31 Mai 2017
Ce court roman de moins de 50 pages, écrit par Anna Seghers, est un petit bijou qui relit et relie le passé de l’Allemagne d’avant 1914 aux années qui ont suivi : la « Grande Guerre », les années du pouvoir nazi, la seconde guerre mondiale.
Le passé d’avant 1914, c’est l’excursion des jeunes filles et les années qui suivent sont celles où elles ne sont plus, soit qu’elles soient mortes en effet, soit que le temps les aies détruites à jamais en brisant leur âme.
Les jeunes filles passent une journée dans une île du Rhin avec leur institutrice, c'est l'histoire que raconte ce livre : ce qu'elles ont fait entre elles, ce qu'elles se sont dit, avec qui elles ont été en relation, comment s'est passée la rencontre avec la classe de garçons du même âge en promenade sur l'île aussi, les relations avec leur maîtresse d'école, .... Mais la narratrice raconte l'histoire beaucoup plus tard, 35 ans plus tard à peu près, et telle une Cassandre, elle connaît leur destinée à toutes, ce que le temps va faire d'elles, et aux souvenirs d'enfance, se mêlent et se tissent leur devenir ensuite....
Ces jeunes filles symbolisent l’Allemagne toute entière prise dans les tourments de la première moitié du XXème siècle, l’Allemagne coupable, l’Allemagne victime, l’Allemagne souffrante. Ces destinées servent à relier les années entre elles, à passer de ces années insouciantes d’avant 14 qui sont celles de la jeunesse de la narratrice, aux années de raison de l’après-guerre et en même temps, à relire l’histoire allemande. En effet, les destinées sont si cruelles qu’il est impossible de ne pas comprendre la souffrance du peuple allemand, laquelle a été tue très longtemps par honte d’un côté et par impossibilité d'être entendue de l’autre. Et pourtant ce petit roman a été écrit et publié en 1948, à une époque où cette réalité n'était absolument pas entendable en Europe.